Pour beaucoup de mères, la naissance d'un enfant est synonyme de joie et de bonheur. Pas pour celle de Jev, répondant au nom d’Elena. Elle est l'une de ces femmes que beaucoup vont voir. Elle aurait pu être actrice, chanteuse ou encore mannequin. Mais non. Elle, elle dansait, à moitié nue devant des centaines d'hommes. Au début tout du moins. Petit à petit, pour un ou deux billets glissés dans ses sous-vêtements, elle se transformait en fille d'un soir. Elle était loin d'aimer ce qu'elle faisait, mais âgée d'à peine vingt-quatre ans, l'argent manquait. Pour elle, un enfant, c'était un poids à trainer, de l'argent à dépenser en plus et elle n'en voulait pas. Pas tant que sa situation ne se serait pas améliorée. Pourtant, c'est arrivé bien plus vite que prévu. Un an plus tard, fatiguée de sa journée de travail, elle envoie balader les quelques hommes qui tentent de la ramener chez eux, voulant bien plus que de la simple compagnie. Pourtant, dans son dos, alors qu’elle n’est qu’a quelques mètres de son domicile, l’une des personnes la suivant l’interpella. Il était près. Beaucoup trop près aux yeux de la demoiselle.
« - Bonjour, jolie demoiselle ♥ »
La phrase typique. Elena soupir une énième fois avant de se retourner. Elle allait lui dire de repasser demain. Mais les mots restèrent au fond de sa gorge. L'homme qui se tenait devant elle était... classe. Bien trop classe pour une prostituée de sa tempe. Pendant un instant, elle cru qu'il s'était trompé de personne, mais les billets qu'il venait de glisser dans la poche du jean de la jeune femme montraient que non. Il savait ce qu'il voulait.
« - Mes billets à moi, tu les accepterais ? »
Elle sortit l'argent de sa poche, prête à le lui rendre, lorsque son regard s'attarda dessus. Cet homme lui offrait bien plus d'argent que quiconque. Bien plus d'argent qu'elle gagnait en un mois. Elle hésita quelques instants. Ses yeux allant de l'homme à l'argent. Et finalement, c'est dans une chambre d'hôtel quatre étoiles et dans les bras de cet homme qu'elle passa la nuit... Un mot et un paquet. C'est tout ce qu'elle a retrouvé sur l'oreiller à côté d'elle en se réveillant. Elle se redressa dans le lit en attrapant le morceau de papier. "Je me suis rendu compte que j'avais déchiré vos vêtements dans ma précipitation d'hier. J'espère que vous me pardonnerez." En ouvrant la boite, Elena écarquilla les yeux d'émerveillement. Ce levant d'un bond, elle sortit le vêtement du paquet. Il s'agissait d'une robe magnifique au prix surement exorbitant. D'un noir profond, elle tombait pile au niveau des genoux de la jeune femme et épousait ses formes à la perfection. Tellement, qu'elle se demandait comment l'inconnu avait découvert ses mensurations. En cherchant un peu dans la suite, elle trouve une note portant le nom de son nouveau client. Liven Morgenstren. Un prénom anglais et un nom aux consonances allemandes. Elle haussa les épaules, reposa la note, et après avoir pris une bonne douche et ses affaires, partit vers son domicile.
Elena continue de vivre sa vie. Les semaines passent et elle fait une découverte qui va bouleverser sa vie. Elle découvre qu'elle est enceinte. Aussitôt, le nom de Liven s'impose à son esprit. Juste un nom prononcé fugacement pendant la nuit, murmuré comme un rêve. Rapidement, le doute s'installe dans son esprit. Elle ne sait pas si elle doit garder cet enfant. Après tout, elle ne connait rien de son père, et ne sais pas si elle aura la force de l'élever seule. Elle décide de se renseigner pour l'avortement. Pour savoir si elle devra payer quelque chose, combien de temps elle sera absente au club, les démarches... Elle fait la prise de sang obligatoire et l'échographie de datation. Elle a dépassé les 14 semaines autorisées. Elle est obligée de garder cet enfant. L'enfant de cet homme. L'enfant de Liven Morgenstern. Elle apprend plus tard qu'elle peut avoir des aides pour le petit garçon à naitre. Petit bonhomme qu'elle nommera Jev à la naissance.
Elena recroisera Liven deux ans plus tard. Alors qu'Elena finit son service au club, elle voit une silhouette qui s'avance dans l'ombre. Silhouette d'un homme, qui avance droit sur elle. Et qui rentre dans la lumière. Elena n'en croit pas ses yeux. Liven. Ce Liven baisse justement les yeux et voit la poussette. Et l'enfant. Elena ne sait pas comment réagir. Doit-elle lui dire ? Doit-elle se taire ? Et finalement, elle décide de lui présenter Jev. Son fils. Leur fils. Un grand rire résonne. Liven n'y croit pas. Pas le moins du monde. Pourtant, le bébé à les mêmes cheveux noirs que son supposé père, et les mêmes yeux noisette que sa mère. Elena baisse les yeux. A mi-chemin entre la honte et la colère.
Elena finit par abandonner. Liven refuse de les reconnaitre, elle et Jev comme des membres de sa famille. Pour une somme d'argent plus de conséquente, elle et Liven continuent de coucher ensemble. Et tout à recommencer. De nouveau elle est enceinte, de nouveau il est trop tard, et de nouveau, c'est celui de Liven. Celui ? Non. Celles. Des jumelles. Jev a quatre ans et Elena décide d'insister auprès de Liven. Elle attend son retour en Angleterre pour lui annoncer la nouvelle. De nouveau, Liven nie tout en bloc. Mais quelque chose à changer au cours de cette discussion. Pour la première fois en quatre ans, ses yeux se posent sur l'enfant dont les doigts serrent ceux de sa mère. Leurs regards se croisent, s'accrochent, et ne se lâchent plus. Les yeux pleins d'agacement de Liven ne peuvent se détacher de ceux de Jev. Une idée lui est alors venue à l'esprit. En temps de futur parrain de la mafia Allemande, il allait lui falloir, un jour où l'autre, un héritier. Et quoi de mieux de son propre fils, sur qui on aura une constante autorité, pour ce rôle ? Par pur intérêt, Liven accepte. Il reconnait les trois enfants qui prennent alors le nom de Morgenstren, et épouse Elena.
Ils vivent dans le confort absolu. Elena ne travaille même plus, se suffisant de l'argent, souvent sale, que Liven gagne. Pourtant, sa vie est loin d'être rose. Agé d'une dizaine d'années, Jev présente des réactions inquiétantes, démesurés et quelques peu macabres... Si bien, qu'elle commence à avoir peur de son fils. Rapidement, elle prend rendez-vous chez un psychologue. Il discute avec Jev, lui fait faire des tests divers et variés et fini par lui montrer les cartes de Rorschach.
« - Que vois-tu sur cette carte là, Jev ? »
« - Un dragon qui crache des flammes sur la Terre. »
« - Et sur celle là ? »
« - Une rivière dans laquelle on a jeté une grosse pierre. »
« - Encore une dernière et c'est fini. »
« - ... Un ange qui descend aux enfers. »
Le silence s’installe. Rapidement, le docteur demande à parler en privé à Elena. Inquiète, elle se précipite dans son bureau et regarde l’homme en face d’elle avec un regard remplit d’appréhension.
« - Jev s'est identifié sur chacune des cartes que je lui ai présenté. »
« - C'est-à-dire ? »
« - Regardez celle-ci. Jev s'est identifié comme étant un dragon embrasant le monde. »
« - Et ? Je ne vois pas où est le mal. Tous les enfants rêvent de dragons. »
« - Oui, mais je ne pense pas que tous les enfants rêvent de mettre le feu à la planète. »
« - ... »
« - Ici, votre fils se représente comme le rocher qui vient briser la tranquillité de la rivière. »
« - ... »
« - Et cette dernière et surement la plus inquiétante... »
Il fut coupé par un raclement de chaise. Elena en avait assez entendu à son goût.
« - Madame. Si vous avez emmené Jev ici, c'est qu'au fond de vous-même, vous savez que votre enfant a un problème. Et si je puis me permettre, je ne vous conseillerais que trop l'envoyer le plus rapidement possible au lycée d'Infinte Code. »
Il fit une pause bien trop longue aux yeux d'Elena avant de reprendre :
« - Votre fils est un futur psychopathe, madame. »
Elena claque la porte derrière elle. Ses yeux croisent ceux de Jev, assis devant la télé. La mère détourne le regard en premier et rentre chez elle accompagnée de son fils. Petit à petit, elle ressent comme un gène lorsqu'elle est seule avec son enfant. N'en pouvant plus, elle contacte Liven pour qu'il repasse afin d'emmener Jev avec lui. Le petit garçon est alors âgé de douze ans. Il prend le premier vol pour l'Allemagne en compagnie de son père. Pendant les quelques heures de voyage, aucun mot n'est prononcés. Jev à peur de son père. Lui qui n'est jamais là, il n'avait pratiquement pas vu Jev grandir et ils se connaissaient à peine. Il en voulu a Elena de l'avoir envoyé là bas. Enfin, jusqu'à ce que son père lui apprenne a se servir des armes. A partir de ce moment là, sa famille restée en Angleterre passe au dernier plan. Il reste quatre ans avec son père. Loin de sa mère. Si bien que lorsqu'il a passé le seuil de la porte, ce n'est pas le petit Jev de douze ans qu'Elena a vu. Non. C'était un Jev, tatoué dans le bas du dos, percé à l'oreille et bien différent du garçon qu'elle avait laissé à son père. Du haut de ses seize ans, Jev dépassait déjà sa mère.
Elle pensait vraiment que ce passage chez son père aurait adoucit Jev, mais il n'en était rien. C'était même pire qu'avant. Si avant, il lui faisait juste peur, maintenant, il la terrorisait. Pourtant, il n'y a aucune raison apparente. Elle l'envoi voir un nouveau spécialiste que Jev va voir avec un amusement non dissimulé. Cette fois-ci, pas question d'être le gentil petit garçon qui va répondre bien sagement aux questions du monsieur. Non. Jev allait s'amuser.
« - Dites, monsieur le psy. Pourquoi faites-vous ce métier ? »
« - ... Pour aider les gens. Mais tu sais, c'est à moi de poser les questions norma- »
« - Pour les aider ? Vous êtes sur ? Ne serait-ce pas plutôt pour vous sentir supérieur et vous persuader que votre vie est belle ? »
« - Mais qu'est-ce que tu racontes, Jev ? »
« - Rien docteur. Je me faisais juste là réflexion que si moi je devais écouter des gens raconter leur vie pleine de problèmes toute la journée, je finirais par me sentir supérieur à eux. J'ai raison ? »
« - Ça suffit Jev. »
Il lui tendit le paquet de carte avant de reprendre :
« - Dit moi plutôt ce que tu vois sur ces cartes. »
« - Je prends ça comme une affirmation, docteur. »
Et il commença. Il prit les cartes. Une à une. Réfléchissant à peine avant de répondre. Observant attentivement le psychologue en face de lui qui notait ses réponses avec une grande concentration. La dernière carte. Sa préférée. Il ne répondit pas tout de suite cette fois, savourant la lueur d'impatience dans le regard du médecin. Il répondit finalement. La même réponse qu'il y a six ans. Mais l'homme en face de Jev n'en a pas fini avec lui.
« - Combien font trois plus trois, Jev ? »
« -Je croyais qu'on me prenait pour un dangereux psychopathe docteur, pas pour un attardé. »
« - C'est juste pour tester ta manière et ton temps de réflexion... »
« - Et vous avez besoin d'une question aussi stupide pour faire ça ? »
« - Ce sont les tests officiels, Jev, ce n'est pas moi qui décide. »
« - Oh. Dans ce cas-là, ce sont les personnes au-dessus de vous qui sont totalement stupides. Peut être serait-il temps de faire un brin de changement, vous ne trouvez pas ? »
« - Jev, répond juste à la question. S'il te plait. »
« - Vous n'aimez pas qu'on parle mal de vos supérieurs ? Pourtant, beaucoup tueraient pour pouvoir prendre la place de leur chef. Vous savez, comme Iznogoud, pour être calife à la place du calife. Je devrais peut-être tuer mon père pour prendre sa place remarque. Vous en pensez quoi vous monsieur ? »
« - Dehors, Jev. »
« - Oh ? C'est fini alors ? Bye bye monsieur le psychologue ♥ »
Elena reçu les résultats quelques jours plus tard. Et elle pleura. Le diagnostic était le même qu'il y a six ans. En pire. De l'autre côté de la porte, Jev l'entend pleurer. Mais il ne fera rien. Il ne changera pas. Il sait que sa mère hésite à l'envoyer dans un lycée bizarre de l'autre côté du globe. Les cours de japonais qu'elle lui fait prendre depuis quelques jours ne trompent pas. D'ici un an, il sera en route pour Infinite Code.
Un an plus tard, jour pour jour, Elena prépare les affaires de son fils. Il ne le fera pas de lui-même et elle le sait. Il est partit tôt ce matin et elle n'a plus de nouvelles. Liven n'a rien fait pour empêcher le transfert de Jev. Il n'a pas le temps de s'occuper de lui pour l'instant. Rapidement, la chambre est vide. Il ne reste que lit, bureau et armoire. La chambre de Jev n'avait jamais vraiment été personnelle. Contrairement à celle des jumelles dont les murs étaient recouverts de poster. Elena soupirant se demandant encore si c'était une bonne idée. Elle allait refermer la valise lorsque la sonnerie du téléphone retentit.
Elle tremblait. Elle était arrivée au commissariat il y a quelques minutes et on verrait de lui apprendre que son fils avait fait une tentative de viol. La prostituée qui avait porté plainte était encore là. Jev, de son côté, soutenait qu'il l'avait payée et qu'on ne pouvait en aucun cas l'accuser d'un quelconque viol. Elena posa les yeux sur Jev puis sur la présumée victime. Elle pleurait, mais ses larmes sonnaient fausses. Le départ pour Infinite Code est reporté de quelques semaines. Le temps que l’histoire se calme un peu. Jev est relâché mais surveillé par manque de preuves. Mais ça ne l’a pas empêché de faire une autre bêtise. Un peu plus grosse qu’un viol.
Une explosion et des morts. Cette fois-ci, Elena renonça à défendre son fils. Il en avait trop fait. Il devait partir. C’est ce qu’elle s’est dit tout le long du voyage vers l’aéroport. Encadré par quatre policiers, Jev se prépare à partir pour Infinite Code, et cette fois, ce n’est pas sa mère qui l’a décidé. C’est la justice. Au moment où il doit monter dans l’avion, il se retourne une dernière fois vers sa mère.
« Tu n’as pas comprit maman ? Je suis l’ange qui descend lentement aux enfers… »
Elle éclata en sanglot lorsque l’avion décolla. Jev l’avait prévenu dès le début. Il allait faire le mal.
Le vol vers le Japon fut long. Les poignets liés par des menottes, Jev n’avait pas bougé d’un pouce durant tout le voyage et il commençait à avoir les membres engourdit. En posant pied a terre, le jeune homme se rendit compte à quel point il aimait la terre ferme. On lui retira ses menottes juste avant de le faire monter sur le bateau en direction de l’île. Il soupira pendant toute la traversée, et finalement, ils arrivèrent.
Les mains dans les poches, Jev regarde ce qui l’entoure. Il veut partir. A quoi bon s’éterniser ici ? Il ne devait pas y avoir grand-chose à détruire ici. A part l’île en elle-même. Il sortit un briquet de sa poche. Il dirigea doucement la flamme vers la feuille d’un arbre. Mais son geste fut arrêté par une voix féminine.
« Arrête ça. L’arbre ne t’a rien fait. »
Il haussa les épaules sans se retourner, mais obéit quand même.
Bienvenu à Infinite Code, Jev.