Ah, Yukari, tu qualifies toujours ton enfance de cliché et tu ris. Ce faux rire que tu maîtrises si bien. Mais au fond, t’as pas tort.
A peine tu étais né que tes parents s’accrochèrent à toi comme si tu étais leur seule et unique enfant. Toi aussi tu le pensais. Tu croyais en ces parents aimants et en ces domestiques inconnus du manoir qui t’avaient cachés une grande vérité durant huit longues années. Toi, la petite gamine des Shûzen, tu étais loin d’être la seule. Alors que tu te baladais avec celle que tu considérais comme ta seule amie – ou ce que tes parents appelaient domestique attitré, tu l’avais vu. Ce garçon qui avait les mêmes yeux écarlates, les mêmes cheveux d’un noir de jais. Et il te fixait, il t’avait même souri. Alors naïvement, tu lui avais rendu son sourire, sans comprendre qu’il était ton frère. Ton grand-frère. C’est Akasha, ton unique amie qui t’avait tout raconté en précisant de n’en parler à personne. T’avais pas trop compris pourquoi tu devais le garder secret, mais tu l’as fait. Alors, à chaque fois que t’es parents s’absentaient, tu allais le voir, dans cette grande chambre qui respirait la solitude. Cette chambre remplie de livres, rien que des livres. Et toi, tu y apportais une touche de couleur, de sourire, dans son monde fade et gris. Puis tu continuais, chaque moment où ils partaient, tu allais le voir pour rire avec lui, voir son sourire qui te redonnait du baume au cœur.
Puis vint le jour de ses 12 ans. Les 12 ans d’Andrew. Une grande fête. Tu aurais dû être joyeuse, lui souhaiter et lui sauter dans les bras. Mais non. Tu devais faire comme si de rien n’était. Et ça te faisait mal, tu sentais ton petit cœur innocent te serrer, mais t’étais encore trop petite pour comprendre pourquoi. Tes parents avaient pris comme prétexte que ton propre frère était l’enfant d’une autre famille très importante, ce qui expliquait cette fête. Et toi tu ne pouvais qu’acquiescer. T’avais aucune idée que cette fête dissimulait la fierté égoïste de tes parents qui avaient découverts qu’Andrew avait un Q.I largement supérieur à la moyenne. Ils s’en vantaient, mais tu préférais ne pas faire attention, parce que tu ne comprenais pas.
Mais après cette fête, tout avait chamboulé. On t’avait trouvé une malformation du cœur qui te valait des maux de tête insupportables et des évanouissements qui pouvaient devenir fréquents, mais il n’y avait aucun moyen de te soigner. Du haut de tes neuf ans, tu comprenais pas, tu savais pas que ta vie allait se terminer avant que tu puisses atteindre la trentaine. T’allais mourir jeune, mais tu savais pas. Mais Andrew l’avait compris lui, et il avait changé. Depuis son anniversaire, ses yeux n’avaient plus cette petite lueur, son visage avait perdu cet éclat et il ne souriait plus. Tu avais beau le questionner, il restait silencieux, prostré sur lui-même, et ce fut comme ça pendant des années.
Puis, avant que tu ne t’en rendes compte, ton grand frère avait volé de ses propres ailes. Tu le savais parce que tes parents se criaient dessus vu qu’il avait emporté une grosse partie de l’argent qu’ils avaient cachés dans la maison. Mais toi, tu souriais. S’il était plus heureux en partant, alors tu étais heureuse pour lui. Mais la situation ne fit que s’envenimer. Ta mère devait se sentir mal qu’un de ses enfants l’avait fui malgré son délaissement, alors elle s’en prit à ta seule amie. Cette amie qui, lors de ta crise qui s’était manifesté pendant l’absence de tes parents, t’avait amené à l’hôpital sur son dos. A pied. Trois heures de marches sans s’arrêter. Elle t’avait sauvé, et voilà qu’elle se prenait des coups. Alors toi, évidemment, t’as voulu la protéger. Sauf que tu savais pas que ta mère allait brandir un couteau pour la blesser elle, alors que toi tu te jetais au milieu pour la protéger. Sans le vouloir, une trop grande et profonde entaille se forma dans ton dos. T’avais mal, tu sentais plus rien, voyais plus rien.
Ha, c’est ironique, non ? Et dire que c’est ta fichue maladie qui t’as réveillée de ton coma. Ton mal de tête t’avait tellement insupporté que tu t’en étais réveillée. Ha, que de miracle. Miracle, hein ? Tu dirais pas ça, du haut de tes quatorze ans. Quand t’étais enfin de retour, t’avais l’impression de revenir chez des étrangers. Puis il y a eu cette nuit. Cette nuit que tu détestes tant, où t’as pas arrêté d’entendre des excuses venant de cette petite voix sanglotant, puis une autre qui criait. Et un moment, il n’y avait plus rien. C’est ce qui t’avait effrayé, et t’avais eu raison. A peine avais-tu ouverte la porte de la chambre d’Akasha que tu avais vu son corps par terre. Incapable de tenir debout, tu t’étais effondrée de désespoir, et t’étais tombé sur cette lettre ensanglanté. Ha, t’avais même pas eu le courage de la lire tellement tu étais effrayée.
Depuis ce jour, ta mère avait disparu avec l’argent restant, et ton père avait eu affaire aux huissiers. Puis il décida de t’envoyer là-bas, à Infinite World, qui était ta dernière chance de survie. Mais toi t’avais pas oublié l’argent que ton frère et toi aviez sur vos comptes, seulement il avait pas voulu t’écouter.
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Tu t’en souviens tellement bien, de cet établissement. Tu le connaissais par cœur. Et tu les avait connus là-bas. Tes amis, les vrais premiers amis que tu t’étais fait. D’abord, tu l’avais connu
lui, puis sont venus Hakai, Shin et Piper. T'avais même retrouve ton frère. T’étais tombé sur une des conquêtes de Shin, aussi. Ca t’avait bizarrement marqué. T’étais si naïve à l’époque. Tu souriais toujours, tu riais, plaisantais, embêtait gentiment tes amis. Ta partenaire de Battle ne s’était jamais montrée et c’était tant mieux. T’étais même tombé amoureuse, mais t’avais décidé de tout dissimuler. Parce que tu avais eu peur d’être rejeté, peur de le voir s’éloigner.
Lui, dont le rare sourire hantait toujours ton esprit. Tu connaissais presque la définition du bonheur s’il n’y avait pas eu cette crainte qui te tournait autour. Qui tournait autour de tout le monde.
Mais tu pensais pas qu’un jour, tout disparaîtrait d’un seul coup. Sous un virus qui venait de ce fou furieux qui vous servait de directeur. Non, tu savais pas, tu savais rien. Puis t’étais trop faible pour lutter contre les toxines propagés, t’es resté dans le coma pendant cinq années entières. Tu savais pas qu’il avait décimé plus de la moitié des élèves, dont certaines des personnes qui t’étaient chères, y compris
lui. Tu savais pas qu’il avait emporté la personne que tu chérissais le plus au monde. Non tu savais rien, parce qu’après cinq ans de sommeil, tu t’es finalement réveillée, plus vide que jamais. Tu t’étais jamais sentie aussi seule dans ce lit d’hôpital que tu détestais tant. Ha, tu ne savais même pas combien de temps s’était écoulé.
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Ha … Advienne que … Pourra ... »